Mer nourricière
Rencontre entre acteurs pour penser l'avenir de la pêche et de l'aquaculture face au changement global
En 2025, la France célèbre l'Année de la mer. En écho à la Conférence des Nations Unis sur l'Océan (UNOC) organisée en juin à Nice, cette grande mobilisation nationale vise à sensibiliser aux enjeux maritimes et à montrer l’importance dans notre vie quotidienne des océans, de leurs usages et des services qu'ils nous rendent. C'est dans ce cadre que l'Ifremer, le Muséum national d'Histoire naturelle et l'Institut Agro ont organisé, à Rennes, le vendredi 23 mai, une journée de réflexion et d’échanges intitulée "Mer nourricière : pêche et aquaculture face au changement global".
Labellisé La Mer en commun, l'événement, organisé par les trois principaux établissements spécialisés en formation et recherche en sciences halieutiques et aquacoles et en sciences des écosystèmes marins, a réuni plus de 300 scientifiques, professionnels, étudiants et alumni, représentantes et représentants de la société civile, décideurs politiques.
Face à l’évolution des écosystèmes marins et des pratiques de pêche ou d’aquaculture, l'ambition est de penser collectivement aux solutions de demain, pour une gestion durable de la mer nourricière.
Dédiée à l’avenir des ressources marines et des filières, cette journée a permis aux participantes et participants de tous horizons de réfléchir, ensemble, aux défis cruciaux posés par le changement global. Conférences, tables rondes et ateliers se sont succédé, alimentant des débats très riches, parfois contradictoires mais toujours respectueux et constructifs, offrant des remontées d'expériences instructives ainsi qu'une source inédite d'idées et de propositions pour mettre en place les processus d'atténuation et d'adaptation qu'impose le changement global.
Cette journée a tout d'abord permis de dresser le constat partagé des évolutions multi-dimensionnelles rapides, déjà à l’œuvre : modification des milieux aquatiques ; évolution des espèces exploitées et des captures accessoires ou accidentelles ; baisse globale des apports et augmentation de la variabilité ; changement des pratiques et techniques de pêche ; changement des attentes des consommateurs et des citoyens et évolutions politiques et sociétales; des enjeux émergents : conservation de la biodiversité, bien être animal, critères éthiques et sociaux.
Comme le résume Bastien Sadoul, directeur scientifique du pôle halieutique, mer et littoral dans l'interview vidéo, ce changement global nécessite de :
- prendre en compte le lien terre-mer ;
- assurer la continuité et la cohérence de l’action public ;
- développer une gouvernance territoriale dans la durée, et mieux articuler les différentes échelles (du global au local) ;
- développer la concertation entre acteurs : producteurs, scientifiques, administration, société civile (ONG, …) ;
- garder un esprit d’ouverture sur les perceptions des autres acteurs, et l’importance des relations de confiance à entretenir ;
- améliorer la connaissance, l’accès à l’information de tous les acteurs (des producteurs aux consommateurs, et aux administrations) ;
- renforcer la formation et la montée en compétences des acteurs, tout au long de la chaîne de valeur ;
- ne pas négliger les rapports de force et avancer même si certains acteurs ne veulent pas entrer dans la concertation.
Gouvernance locale ou globale, quelle place pour les territoires ? Transmission et attractivité, les questions clés du futur ? Quels systèmes d’information pour les filières ? Niveaux trophiques, AMTI et co-culture, changer d’aquaculture ? Quelles évolutions des outils et techniques aquacoles ? Quelles évolutions des engins et pratiques de pêche ? Affichage environnemental et label, impliquer les consommateurs ? Comment mieux valoriser les produits et coproduits ?
Autant de questions sur lesquelles les participants se sont penchés durant cette journée afin d’identifier les obstacles et des leviers pour faire évoluer les modes de production des filières pêche et aquaculture, nos modes de valorisation et de consommation ainsi que la gouvernance du secteur, la place et le rôle des acteurs.
Soulignant la fécondité d’un débat exigeant, éclairé et apaisé ainsi que le rôle des scientifiques et de la science, Didier Gascuel, professeur en écologie marine à l'Institut Agro Rennes-Angers, retient de ces échanges, "la nécessité d’une triple transition pour s’adapter dans un monde changeant :
- une transition technologique : la recherche, l'innovation, la formation et l'information ; diversification des espèces, modes de production et produits ; réduction de tous les impacts environnementaux ; amélioration de la performance économique et sociale
- une transition organisationnelle : changer/adapter les réglementations, les procédures institutionnelles, les organisations ; ’appuyer sur les territoires et mieux articuler les échelles ; mieux intégrer la filière, de l’écosystème aux consommateurs... Bref, changer LE/DE système ?
- une transition culturelle : changer les comportements et les habitudes, individuelles et collectives ; s’appuyer sur la formation et l’information, sur le levier des consommateurs et l’implication des citoyens."