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PAC et installation agricole : trois régions, trois réalités

Les étudiants de l’Institut Agro étudient les dynamiques territoriales

Tracteur agricole dans un champ de blé

D’ici 2030, plus de 137 000 chefs d’exploitation agricole pourraient partir à la retraite sans repreneur. Dans ce contexte préoccupant, les aides et les dispositifs d’accompagnement à l’installation dont les régions se saisissent, jouent un rôle clé.

Zoom sur une mise en œuvre différente selon les régions

Pour mieux comprendre ces différences, des étudiants et étudiantes de dernière année (M2) des spécialisations AGIR sur les territoires, TERPA et Agroéconomie et Politiques Publiques des écoles de Dijon, Montpellier et Rennes-Angers ont mené un projet comparatif. En croisant leurs analyses sur la Bourgogne-Franche-Comté, l’Occitanie et la Bretagne, ils ont mis en lumière des dynamiques régionales contrastées, mais aussi des enjeux communs qui structurent les politiques d’installation agricole.


Des profils en mutation

Alors que le nombre d’exploitations agricoles à diminué de 18 à 25% dans les trois régions, les étudiants ont constaté un vieillissement de la population agricole. Un agriculteur sur deux cessera son activité dans les 10 années à venir et le taux de remplacement annuel en 2022 est inférieur à 2 agriculteurs sur 3 dans les trois régions. 


Dans chaque région, on distingue des dynamiques spécifiques selon les filières : en Bretagne, la filière maraîchère connaît un taux de renouvellement très élevé (148 %), tandis que les projets atypiques (agroécologie, circuits courts) gagnent du terrain en Bourgogne-Franche-Comté. Néanmoins, l’accès au foncier et au financement reste plus difficile pour les profils non issus du milieu agricole qui nécessitent un accompagnement renforcé. Enfin, la féminisation progresse également, avec près de 36 % de femmes bénéficiaires de la DJA (Dotation Jeunes Agriculteurs) en Occitanie et en Bourgogne-Franche-Comté.
 

Une mosaïque de dispositifs d’installation

Si la Dotation aux Jeunes Agriculteurs reste l’aide phare dans les trois régions, sa mise en œuvre peut varier selon les régions. L’Occitanie se distingue par l’existence d’une Dotation Nouvel Agriculteur (DNA) et d’aides spécifiques hors Politique agricole commune comme la Garantie Foster ou la Foncière Agricole Occitanie. La Bretagne mise en plus sur des compléments régionaux comme le “Soutien à l’installation en Agriculture” ou encore des prêts d’honneur BRIT, mais aussi des initiatives foncières ambitieuses telles que des réserves foncières ou des parcelles regroupées. En Bourgogne-Franche-Comté, l’accent est mis sur la DJA, complétée par des dispositifs comme l’aide complémentaire au revenu pour les jeunes agriculteurs ou des accompagnements par des structures comme BioBourgogne. Toutefois, les conditions d’éligibilité à ces aides peuvent s’avérer difficiles pour les personnes s’installant tardivement ou aux parcours “atypiques”, faute d’accompagnement et de dispositifs.

 

Une gouvernance territoriale en tension mais en évolution

L’étude met en lumière l'importance d'une gouvernance territoriale solide pour faciliter les installations. En Bretagne, un effort de coordination entre chambres d’agriculture, associations et collectivités permet d’améliorer la complémentarité des actions. Malgré l’absence de Dispositif Nantional d’appui, d’un manque d’aides spécifiques pour les filières animales ou biologiques ou encore les délais administratifs long, “l’analyse qualitative menée en Bretagne montre que les acteurs régionaux semblent engagés dans une recherche de cohérence et de coopération entre acteurs”.


En Occitanie et Bourgogne-Franche-Comté, cette coopération reste inégale selon les départements, et des tensions peuvent apparaître, notamment entre structures institutionnelles et associatives. Par ailleurs, la réforme de gestion des aides a entraîné des perturbations, en particulier en Bourgogne-Franche-Comté, avec des retards et une montée en charge difficile des nouvelles équipes.

 

Un parcours d’installation agricole encore largement semé d’embûches

En conclusion, malgré une offre d’accompagnement riche, le parcours d’installation agricole est encore souvent vécu comme un parcours du combattant, en raison de la complexité administrative, du manque de clarté des informations et de la qualité inégale des services d’appui. En deuxième point, le coût de reprise, notamment le foncier, reste un frein majeur, malgré les propositions de la nouvelle Loi d’Orientation Agricole pour en faciliter l’accès via la régulation du marché et un rôle accru des SAFER pour limiter la spéculation foncière.


Enfin, dans les trois régions étudiées, les candidats à l’installation sont nombreux, mais toutes les fermes ne trouvent pas preneur, en raison d’un décalage entre les profils des repreneurs et les structures disponibles, encore majoritairement tournées vers des modèles conventionnels. Or, les demandes pour des projets alternatifs, collectifs ou hybrides progressent, notamment en Occitanie et en Bourgogne-Franche-Comté, sans être suffisamment reconnues ou soutenues.
Enfin, l’étude interroge la récente proposition de la commission des affaires européennes de décembre 2024 d’une gestion centralisée de l’aide à l’installation dans le premier pilier de la PAC qui remettrait en cause le principe de territorialisation, pourtant clé pour adapter les soutiens aux réalités locales.

Ce travail issu d’une dynamique pédagogique permet d’exploiter la diversité territoriale propre à l’Institut Agro. En confrontant leurs approches, les étudiants et étudiantes des 3 écoles ont pu dépasser les spécificités de leur région pour construire une lecture transversale des réalités agricoles à l’échelle nationale. Ce travail reflète l’ambition de l’Institut Agro : former des ingénieurs capables de s’approprier les enjeux de la transition agricole tout en nourrissant une réflexion collective ancrée dans les territoires.